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Faut-il lutter contre l'inflammation ?



Tendinite, inflammation musculaire ou articulaire... En tant que sportif, on est tous un jour ou l'autre confronté à ce genre de problème, et surtout en phase d'intensification des entraînement. Quand ça devient douloureux, on ne sait jamais trop quoi faire. Les protocoles se contredisent, les avis diffèrent. On cherche à gauche, à droite, auprès du kiné, des collègues de la salle, du doc... Mais c'est pas toujours facile de se faire une opinion précise. J'ai eu un gros débat l'autre soir à ce sujet, c'est de là que la thématique est née.

Je me suis dit que ce serait intéressant de faire un article sur sujet. Bonne lecture à toi !

 

Pendant longtemps l’inflammation a été considérée comme un fléau. Quelque chose contre lequel il fallait lutter, et qu’il fallait supprimer le plus rapidement possible quelle que soit la méthode : médicamenteuse, AINS, injections de cortisone, alimentation spécifique, compression, cryothérapie.


Pourtant depuis une vingtaine d’années, les dernières découvertes scientifiques semblent remettre en question cette vision dichotomique de l’inflammation. Les choses ne seraient pas aussi simples que prévues. On aime mettre les choses dans des cases, on aime labelliser, mais ça ne fonctionne pas ainsi. L’inflammation ne serait pas aussi mauvaise qu’on le pense, elle pourrait même être bénéfique.


En parlant avec mon entourage, je réalise que les athlètes sont perdus. Glacer ou pas ? Et si oui, quand ? Faire des cataplasmes d argile ? Mettre de l huile ? À première vue ça semble intelligent. Mais si l inflammation est utile, est-ce vraiment une bonne chose de la combattre ?


Si l'on fait des recherches sur le net, on trouve globalement deux camps opposés :


- Les partisans de la lutte contre l'inflammation, par tous les moyens : crèmes, comprimés anti-inflammatoire type Voltarène, régime dit «alcalinisant», compression, glace. Et j’en passe... Les méthodes sont nombreuses.

- Et les "pro-inflammation", partisans du laisser-faire : défenseurs de l'idée que l'inflammation est bonne et nécessaire et que lutter contre, serait contre-productif. Ils soutiennent que le corps sait se guérir seul.


> Alors face à ces deux visions radicalement opposées, qui écouter ?


Avant de prôner X ou Y, je pense qu’il est essentiel de comprendre ce qu’est l’inflammation.

Avant de parler de l’inflammation au singulier, il faut comprendre que ce qui se cache sous ce terme est loin de se résumer à un phénomène unique. L’inflammation est une réponse complexe impliquant de nombreux processus physiologiques différents, et ayant plusieurs rôles dans l’organisme. Et oui, le corps humain est un organisme complexe, qui se caractérise par l'interdépendances entre ses parties. Il convient donc d’éviter d’isoler un processus de la chaîne.


"L’inflammation est la réponse du corps à la lésion."


  • Quand on se blesse, que se passe-t-il ?

Globalement, il y a 3 grandes étapes :

La phase d'inflammation, la phase de prolifération, et la phase de remodelage.

Quand on se blesse, des cellules du système immunitaire se déplacent vers le site de la lésion. Chacune a un rôle bien spécifique.

(Pour simplifier grossièrement : les lymphocytes coordonnent la réponse immunitaire rapide, les anticorps déclenchent une réaction inflammatoire et éliminent l’organisme étranger de l’organisme, les neutrophiles attirent d’autres cellules immunitaires pour protéger l’organisme, les monocytes ou macrophages s'occupent de nettoyer la zone en détruisant les résidus et les cellules mortes, etc.)

La zone devient chaude, rouge, sensible et enfle. Les vaisseaux sanguins à proximité s'élargissent pour affluer plus de sang vers la zone blessée, et amener les matériaux nécessaires à la guérison. C'est là que ça commence à te faire mal. C'est ce qu'on appelle l'inflammation.


L’inflammation a un deuxième rôle important. Elle agit aussi comme un système d’alarme.

La douleur est là pour te rappeler de protéger les structures endommagées. Si tu n'avais pas mal, tu continuerais certainement de les solliciter et donc tu risquerais de les abîmer davantage. Exactement comme quand tu te brûles, c'est le signal nociceptif (de douleur), qui te pousse à retirer ta main, pour éviter de te brûler davantage.

Le corps est intelligent, rien n'est laissé au hasard.


Si tout se passe bien, une fois que la menace à l'origine de la lésion est supprimée, et que le corps ne se sent plus en danger, le système lymphatique résorbe l'inflammation.




Si on suit cette logique biologique, l'inflammation n'est pas bonne ou mauvaise. On comprend qu'elle est juste nécessaire au processus de guérison. En gros, l'inflammation, c'est juste le résultat d'une activation du système immunitaire qui s’attelle à détruire et évacuer les tissus endommagés par la blessure, et à renouveler au plus vite le tissu cellulaire. Rien de plus.


Freiner l'inflammation semble donc une mauvaise idée; ce serait comme combattre le processus même de guérison. L'inflammation c'est le signe que ton corps est en train de guérir et de se réparer. C'est plutôt une bonne nouvelle, non ?

Exit donc les anti-inflammatoires médicamenteux, mais aussi toutes les techniques naturelles allant dans ce sens : le froid, les crèmes, les plantes, les huiles, les vitamines anti-oxydantes.

Embrasse la douleur, et ne te plains pas !

Pourquoi ? Car elles ralentissent le processus naturel de guérison, en venant diminuer l'intensité du signal que le corps envoie au système immunitaire.

C'est un peu comme si tu tentais de cacher la fumée d'un incendie de forêt, que des pompiers en avion essayaient désespérément de localiser pour l'éteindre.



Le problème se pose quand l’inflammation devient chronique. C'est-à-dire quand une menace est répétée de manière excessive et que le corps ne parvient pas à la résorber seul.

Ce type d’inflammation est totalement différent de l’inflammation aiguë.

Il peut se prolonger sur des mois, voir des années. En général, c’est une situation où le corps ne parvient pas à éliminer l’agent responsable de l’inflammation, ou bien dans une situation où un niveau faible d’inflammation est prolongé, et ne parvient pas à être éliminé. Par exemple : si tu as un déséquilibre musculaire, et qu'un muscle compense pour un autre, sur tous tes entraînements, 5 x / semaine, pendant des mois ou des années. Soumise à un stress prolongé et répété, la zone en question ne parvient pas à se réparer. Une inflammation chronique s'installe. Et là, ça devient pathologique.


Il faut donc distinguer l’inflammation aiguë de l’inflammation chronique. L’inflammation aiguë survient immédiatement après la blessure, et est sensée être temporaire (de quelques heures à quelques jours). Certains parlent ainsi de « bonne » inflammation. C'est la même inflammation que celle qui caractérise les DOMS liés à l'entraînement, et qui te permet de progresser de séance en séance. Celle qu'on recherche tous pour sur-compenser.

L'inflammation chronique, quant à elle, se prolonge dans le temps, et prend ainsi la qualification de pathologique. C'est celle qu'on cherche à éviter, qui nous empêche de performer.

> Que faut-il donc faire face à une inflammation ?


Il faut contextualiser la blessure et le cadre où elle survient.

Rien n'est généralisable. Il faut toujours agir au cas par cas, après réflexion.

Exit les protocoles tous fait, appliqués à tous sans individualisation : de type ICE (Ice, Contention, Elevation), RICE (Rest, Ice, Contention, Elevation), PRICE (Protection,Rest, Contention, Ice, Elevation), POLICE (Protection, Optimal Loading, Ice, Compression et Elevation) , et j'en passe.

Selon le type d'inflammation, l'origine de l'inflammation, le protocole envisagé doit être différent. Je vais donner plusieurs exemples.


- Face à une douleur supportable, et un gonflement qui n'entrave pas la circulation sanguine, il vaut mieux éviter toute méthode dite "anti-inflammatoire" qui soulagerait la douleur au court terme, mais ralentirait la réparation du tissu au long terme.

Comme pour tout dans la vie, c’est toujours une question de patience. Il convient parfois de favoriser un bienfait au long terme plutôt qu’un soulagement au court terme. Qui plus est, les méthodes souvent recommandées, soulagent la douleur mais n’ont généralement aucune action favorable sur la cicatrisation des tissus.

Je te pose la question : Pourquoi utiliser des méthodes à visée anti-inflammatoires pour réduire une inflammation dont ton corps a besoin pour se réparer?

Dans ce cas-là : il conviendrait plutôt de privilégier le mouvement pour vasculariser la zone et optimiser le drainage lymphatique, afin d’évacuer les cellules mortes et les toxines, et d'apporter les matériaux nécessaires à la guérison.


- En revanche, si la douleur est intolérable et t'empêche de dormir, de te mouvoir... alors le soulagement apporté par une méthode anti-inflammatoire et analgésique est alors une piste à privilégier. Par exemple, l'application de froid, de par ses vertus analgésiques, peut permettre d' "endormir" la douleur, en atténuant le message nerveux nociceptif. Mais attention, ne pas avoir mal ne signifie pas être guéri. Il ne faut pas oublier que la zone est toujours lésée.

Si tu favorises une solution analgésique (qui supprime la sensibilité à la douleur) ou antalgique (qui diminue la douleur), sois vigilant à ne pas continuer à stresser la zone, sous prétexte que tu ne la sens plus. Ou alors, si tu le fais sois conscient des risques.

Je prends l'exemple des powerlifters qui blessés sur leur dernier bloc avant une échéance compétitive importante se blindent d'anti-inflammatoires de manière à pouvoir forcer sans être gêné par la douleur le jour J. Dans ce cas là la solution antalgique/analgésique peut avoir un intérêt. Elle a pour but de cacher la douleur pour tenter un podium. Mais, il faut que le risque soit connu (empirer la lésion, voir rupture totale), et que la décision soit volontaire et réfléchie.



Il n'y a pas de bonne ou mauvaise réponse. C'est une question de choix, de risques, et d'objectif (Performer au court terme malgré le risque ou jouer la carte de la sécurité ?).

Chacun est responsable de soi-même et maître de ses choix. Il faut respecter les décisions de chacun.


  • Que peux-tu faire en cas d'inflammation persistante (chronique) ?


- La première étape consiste à identifier la cause de l’inflammation chronique pour éliminer dans un premier temps la menace responsable de traumatisme répété. Tant que tu ne retireras pas la cause, l'inflammation persistera. Tu pourras peut être limiter les dégats par des protocoles de rehab/prehab, mais tu rameras à contre-courant, si tu ne t'en débarrasses pas.


- La deuxième étape consiste à déterminer l'intensité de la douleur et de l'inflammation. Si elle est tolérable, il convient alors de stimuler la zone par un entraînement adapté pour la vasculariser et favoriser le drainage lymphatique.

Peut-être ne sais-tu pas ce qu'il se cache derrière ce terme.


Le système lymphatique est la deuxième circulation du corps humain. Moins connue que la première circulation, dite sanguine, la circulation lymphatique a pour mission d'éliminer les déchets et l’accumulation de liquide causé par l’inflammation. Mais contrairement a la circulation sanguine qui possède le cœur comme moteur, le système lymphatique ne possède pas de pompe pour faire circuler la lymphe dans le corps.

Le seul moyen pour que la lymphe circule, consiste à bouger et respirer, car les contractions musculaires viennent créer cet effet de pompe sur les vaisseaux lymphatiques.

La stimuler est un excellent moyen d'accélérer ta guérison.




Si en revanche la douleur n'est pas tolérable et limite la fonctionnalité de l'individu dans son quotidien, il peut être utile de solliciter un protocole anti-inflammatoire pour limiter l'inflammation et permettre un minimum de fonctionnalité.

De même en fonction des objectifs : es-tu dans une phase où il est impératif de continuer à lifter lourd ou peux-tu te permettre de diminuer l'intensité de tes entraînements ? As-tu une échéance à l'approche ?

Ce sont toutes ces questions qu'il faut prendre en compte.


- La troisième option consiste à léser volontairement à nouveau la zone blessée. Je m'explique. En lésant « intelligemment », c’est-à-dire volontairement, avec précaution (par massage transversal, percussion etc.) le tendon ou muscle lésé à nouveau, on donne au corps une deuxième chance de guérison; en relançant le processus de cicatrisation.

Je m'explique. Quand un problème est là depuis longtemps et ne guérit pas, le corps l'oublie en quelque sorte, comme si le processus naturel de guérison s' "endormait". En venant reléser la zone, on provoque une réaction inflammatoire, qui réactive le processus de guérison naturel. On réveille les processus physiologiques du corps.

C'est un peu ce que fait le kiné quand tu fais des ondes de choc, ou du massage transversal profond. Le but est de stimuler la transformation du tissu dégénératif en tissu plus résistant & fonctionnel.


  • Concernant le froid, qu'en est-il ? Utile ou non ?

Le milieu médical ne fait pas consensus. Certains le prônent et d'autres le déconseillent.

Une chose est sûre : son effet analgésiant. Il endort les terminaisons nerveuses, et diminue donc la douleur. En revanche, les études se contredisent. Certains le déconseillent mettant en avant un effet vasoconstricteur qui limiterait l'apport sanguin au site de la blessure, et ralentirait le processus immunitaire de renouvellement cellulaire. Ils mettent aussi en avant une reconstruction cellulaire de moindre qualité (cellules moins nombreuses, à maturation réduite ). Tandis que d'autres, mettent en avant le fait qu'à cette vasoconstriction, succède une vasodilatation réactionnaire, qui favoriserait la circulation sanguine et le drainage lymphatique. Difficile pour le moment de dresser un bilan en l'état des choses.




  • Et concernant la chaleur ?

Si dans la Médecine Traditionnelle Chinoise, où le froid est l'ennemi n°1, on la recommande. La médecine chinoise dit ainsi que : "Toute entrave de la circulation entraîne une douleur, et que si on restaure la circulation, les tissus se régénèrent et la douleur disparaît". Elle préconise ainsi souvent chaleur et mouvement. Sa place dans la médecine occidentale est plus nuancée. On ne la recommande que dans certains cas.

Néanmoins, il y a un consensus (au moins un !). On l'évite en phase aigüe pour ne pas aggraver l'inflammation, mais elle peut être utilisée à posteriori sur de légères raideurs sans enflure pour améliorer la circulation sanguine & détendre les tissus locaux.



Conclusion


L’inflammation n’est pas juste un fléau contre lequel il faut lutter à tout prix. L’inflammation fait partie intégrante du processus de reconstruction cellulaire. Les bodybuilders le savent très bien , puis qu'ils recherchent cette inflammation transitoire. S’acharner obstinément pour la diminuer au maximum est de fait contre-productif : c’est contradictoire avec le processus physiologique de reconstruction cellulaire (le même qui se produit pour la prise de masse), où l’inflammation déclenche les réactions chimiques nécessaires au processus de reconstruction musculaire & tissulaire. Néanmoins, il faut différencier inflammation passagère et inflammation chronique. Comme pour tout, il y a des intensités inflammatoires. Il faut maintenir l'homéostasie, l'équilibre - principe fondamental de la vie.


Concrètement, l'entraînement doit permettre de créer un niveau inflammatoire suffisamment bas avec des petits pics inflammatoires momentanés, pour permettre le déclenchement du processus de reconstruction cellulaire et optimiser la reconstruction cellulaire associée à la prise de masse & force, sans basculer dans un état pathologique, associé à la blessure.

Ça suit la même logique que le processus de surcompensation : il faut créer un stress suffisant pour pousser à l'adaptation mais pas excessif, pour éviter la rupture.

Lorsque l'équilibre se rompt, et qu'il y a il faut agir intelligemment.

Cela exige de la réflexion et de l'individualisation. Il faut réfléchir son entraînement, ainsi que les mesures prises lors d'un état inflammatoire plus prononcé. Evidemment, la sur-sollicitation momentanée est normale, les états inflammatoires sont courant chez les athlètes.

Il importe simplement de les gérer correctement en favorisant un protocole adapté au niveau inflammatoire et à l'origine de l'inflammation. Et de ne jamais dupliquer un protocole bêtement Sur soi dans un premier temps : Ce qui était adéquat pour une situation X, ne le sera pas forcément pour une situation Y. Mais aussi d'un individu à un autre : Ce qui était adéquat pour la tendinite du coude de X, ne le sera pas forcément pour la tendinite du coude de Y.


Pour chaque blessure, pour chaque individu, il faut prendre le temps de penser la situation, afin d'établir un protocole adapté à l'instant T.

Ne vous enfermez pas dans des idées toutes faites.

Vous remarquerez que dans le milieu sportif, on prône un jour une idée A et un an après on la décrie comme la pire des idioties. Chacun voit midi à sa porte, défend son business.

Mais au final, la réalité est un peu moins simpliste, qu'on aime la présenter.

Elle exige de penser le corps dans son environnement.

 

Pour conclure, pour les addictes du Evidence-Based, je vous mets ci-dessous les références de deux études intéressantes (vous connaissez ma position là-dessus) : 1. Takagi, R, et al. Influence of Icing on Muscle Regeneration After Crush Injury to Skeletal Muscles in Rats. Journal Of Applied Physiology, 1er Février 2011 vol. 110 no. 2 382-388


2. Dr Bahram Jam, Questioning the use of ice given inflammation is a perfectly healthy response following acute musculoskeletal injuries, Advanced Physical Therapy Education Institute. (APTEI), Thornhill, ON, Canada, 20 mai 2014.

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